mercredi 19 mai 2010

Une actualité littéraire axée sur la création romanesque

Avec quatre œuvres romanesques dont trois romans français : «L’Ermite du Mont Liban» d’Odile Bordaz, «Le Dernier Homme» de Jean Michel Hoerner, «La Bastide sur Mer» de Michel Arnaudiès et un imposant roman traduit du castillan. : «L’Ingénieux Hidalgo et poète Federico Garcia Lorca monte aux enfers» de Carlos Rojas, Blazac Editeur affiche un printemps littéraire 2010 axé sur la création romanesque

Odile Bordaz historienne, docteur en histoire de l’art et auteur de plusieurs ouvrages (dont un monumental travail sur D’Artagnan), romancière et conservateur du patrimoine, successivement en charge des musées du Gers, de l’action culturelle à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, de la Basilique royale de Saint-Denis et du Château de Vincennes pour le Centre des monuments nationaux, fut invitée par l’Ambassade de France en avant première au Salon du livre de Beyrouth 2009 pour présenter «L’Ermite du Mont-Liban,» le premier volume de deux romans consacrée au Liban publiés chez Balzac Editeur poursuit sa tournée de promotion tout en préparant le dernier tome de sa trilogie consacrée à D’Artagnan : «D’Artagnan de A à Z» que Balzac publiera en 2011.
Elle sera l’invitée de Stéphane Berg en juillet dans le cadre de son émission télé : SERCRETS D’HISTOIRE.

Jean Michel Hoerner professeur de géopolitique, ancien président de l’université de Perpignan, est l’auteur de nombreux essais : « Les classes moyennes dans la barbarie », « La science du tourisme » « Ainsi parlait Nietzsche », tous publiés chez Balzac Editeur. Il vient de publier en début d’année «Pour une nouvelle recherche en tourisme», un essai sur la science du tourisme, toujours chez Balzac.
Jean-Michel Hoerner sera l’invité de l’émission POST FRONTIERE sur France Culture le 7 juin prochain.
Jean Michel Horner qui vient également de publier un roman de politique fiction : «Le Dernier Homme» toujours chez Balzac sera l’invité de la Médiathèque de Céret ce 27 mai à 18 heures.

Michel Arnaudiès, artiste complet a su conjuguer depuis 1970 sa passion pour la peinture avec de très nombreuses expositions, des livres d’artistes qu’il a illustré et sa passion pour l’écriture. Cela a donné de très nombreuses expositions qui jalonnent la vie picturale catalane, plusieurs ouvrages de poésie et aujourd’hui un roman chez Balzac : «La Bastide sur Mer», une histoire imprévisible sur les thèmes d’actualité du sacrifice, du bouc émissaire, de la culpabilité individuelle et collective.
On peut le retrouver durant trois semaines sur les ondes de France Bleu Roussillon, mais aussi le samedi 29 mai à la Médiathèque de Perpignan, pour un Petit déjeuner littéraire, à partir de 10 heures, le 3 juin à la bibliothèque d’Arles-sur-tech, le Vendredi 4 juin à la Médiathèque de Thuir et à la Médiathèque de Canet en Roussillon le 7 juin.

Carlos Rojas qui devrait venir en France en Juillet est né à Barcelone en 1928. Docteur en philosophie et en lettres, il fut professeur de littérature espagnole à l’Université d’Emory (Atlanta / Etats Unis). Il obtient en Espagne en 1968, le prix National de Littérature avec Auto de fe, le prix Planeta avec Azaña en 1973, le prix Ateneo de Sevilla avec Memorias inéditas de José Antonio Primo de Rivera en 1977, et le prix Espejo de España avec El mundo mítico y mágico de Picasso en 1984. Il et également l’auteur de nombreux romans et essais sur la littérature, l’histoire et l’art. Parmi ses œuvres il faut signaler: El jardín de las Hespérides, Yo, Goya, Proceso a Godoy, Alfonso de Borbón habla con el demonio et ¡Muera la inteligencia! ¡Viva la muerte!. «L’Ingénieux hidalgo et poète Federico Garcia Lorca monte aux enfers» que vient de traduire Balzac Editeur a obtenu en Espagne le prix Nadal en 1979.

mercredi 5 mai 2010

La Bastide sur Mer, Un roman sur le thème du bouc émissaire


EN GUISE DE PRESENTATION GENERALE :

Michel Arnaudiès occupe la scène culturelle et artistique catalane depuis de nombreuses années. Cet artiste complet a su si bien conjuguer depuis 1970 sa passion pour la peinture avec de très nombreuses expositions, des livres d’artistes qu’il a illustré et sa passion pour l’écriture. Cela a donné de très nombreuses expositions qui jalonnent la vie picturale catalane et plusieurs ouvrages de poésie ainsi qu'un premier roman : «Le Tisonnier ».Il revient à la littérature avec «La Bastide sur Mer» que publie Balzac éditeur ces jours ci, (une histoire de sacrifice autour de la culpabilité individuelle et collective), un roman né à l’issue de l’enterrement d’une vieille tante. Un roman qui s'est imposé à lui suite à la cérémonie qu'il venait de vivre et qui a provoqué ce besoin d’écrire les phrases suivantes :« Immobile, quelques rangs derrière, il a vu d’abord le ciel. Le ciel bleu. Et dans ce ciel, une mouette, son cri effronté répondant aux litanies incompréhensibles. Au-delà, la mer. La mer bleue. Pas le même. Tout aussi profond pourtant. »De retour chez lui, il a très vite complété ces phrases par la description d’un lieu avec ses paysages et sa nature. Ce décor a immédiatement imposé la venue d’un personnage qui a réclamé une vie propre avec son histoire, ses rencontres, ses situations au quotidien. La trame du roman pourrait se résumer ainsi :À La Bastide sur Mer, village isolé au bord de la mer, un jeune autostoppeur arrive fortuitement le jour d’un enterrement. Invité à participer à la cérémonie, il est pris en charge par les villageois qui vivent en autarcie. Parce qu’il n’a pas l’habitude qu’on s’occupe de lui, le jeune homme se laissera faire. Plus tard, quand il voudra s’échapper, il ne pourra pas. Le roman se terminera dans un délire intemporel autour d’une fête laïque où notre héros sera sacrifié dans un pastiche du martyr de Saint Sébastien. «La Bastide sur mer» raconte une histoire imprévisible sur les thèmes d’actualité du sacrifice, du bouc émissaire, de la culpabilité individuelle et collective. Pourtant, à aucun moment, il n’y a l’intention délibérée d’illustrer une théorie philosophique même si celui-ci laisse entendre que nous ne choisissons pas nos solitudes, que nos destins sont pris en charge par des rituels - acceptés pour des raisons inconnues - que nous proposent les modes de pensées de nos organisations sociales. Mais « La Bastide sur mer» reste avant tout une œuvre littéraire au service d’une fiction et le prétexte pour mettre l’écriture au service d’une fiction délirante, complètement folle. Le personnage principal reste attachant dans la manière d’accepter son destin.
TTC : 19 € ISBN : 978-2-913907-66-9

PRESENTATION DE «LA BASTIDE SUR MER» PAR L'AUTEUR :

Intituler un texte en présentation d’un roman « Préface », c’est prendre le risque que ce texte (on ose espérer pas le roman), ne soit jamais lu.
Par impatience, la découverte d’une histoire, remettra à plus tard la lecture de toute spéculation, décalée, souvent intellectuelle, qui pourrait être proposée en préambule. Quand le roman sera lu, pour espérer trouver les clés de certaines situations décrites pas toujours compréhensibles, pour découvrir les motivations psychologiques confuses de certains personnages, la préface sera peut-être parcourue, espérant y trouver, non pas des réponses, mais un prolongement au plaisir qu’a pu laisser la lecture du roman que l’on se refuse à quitter trop rapidement. La préface pourrait-elle n’être que cela, lue uniquement pour dire l’état particulier de suspension que laisse le point final, pour rester impressionné par une jouissance émotionnelle et ne pas s’en séparer trop vite, un peu comme le dit Einstein à propos d’une interprétation d’un quatuor de Mozart : « Le silence qui suit est encore de lui » ?
En dehors du fait que cette préface va rajouter quelques pages supplémentaires à un manuscrit pas très long, parce qu’elle est écrite dix ans après le texte originel, elle apparaît comme une réaction à la redécouverte d’un texte oublié. La relecture du manuscrit provoque quelques étonnements, quelques réflexions à retardement, parce qu’il ne reste aucun souvenir des intentions qui ont motivé l’acte. Il ne s’agit pourtant pas, à présent, d’apporter un éclairage nouveau a ce qui a été écrit, ni encore moins d’introduire une justification à des descriptions qui pourraient être perçus comme excessives ; rien de fondamental ne sera modifié, ni dans la forme, ni dans le fond, aucune correction ne rectifiera des faiblesses de style, (volontairement horizontal) pour que soit gardé une spontanéité, pourquoi pas une fraîcheur, certainement revendiquée dès le départ.
Plutôt que de s’attarder sur un message quelconque que pourrait contenir l’histoire racontée, il y aura à dire la genèse de l’acte même d’écriture.
« L’artiste » - et les guillemets sont là pour rappeler que le qualificatif appartient au regard de l’autre et ne sera aucunement réclamé par l’auteur lui-même - a passé (passe) beaucoup de temps à essayer de faire une œuvre picturale. Essayer de faire œuvre, et non pas laisser une œuvre. Ce dernier verbe sous-entendrait une volonté de perpétuité qui est exclue de sa démarche consciente. Le doute permanent sur la véracité d’un résultat, dès qu’un pinceau est entre les mains, ne peut laisser entrevoir une quelconque notion de legs ou de postérité. Il ne sera pas utile pour l’instant de revenir sur les motivations ambiguës qui sont à l’origine de sa nécessité de faire de la peinture, l’interpellation qui pose problème concerne surtout l’analyse du résultat. Pourquoi à tel moment ou à tel autre fait-il ceci et pas autre chose ? Ou plutôt, quelle conscience (puisque c’est de conscience dont il s’agit) il aura de ce qui est fait et comment cette perception modifiera les changements et encouragera d’autres pistes : « La dernière œuvre créée détruira les précédentes, appellera une œuvre nouvelle différente ». Il n’y aura aucune satisfaction à répéter un savoir faire. Le propre de la création sera d’enclencher un étonnement permanent : dans ce que les autres proposent (dans la capacité personnelle de proposer) de nouvelles émotions quel qu’en soit le secteur artistique abordé.
Suivant l’ordre du jour de cet écrit, le sujet à exploiter sera celui du rapport de l’image, au discours et à l’écrit.
Notre artiste se refuse à être un faiseur d’images dans ce que cette expression laisse entendre de la mise à voir d’une forme complaisante destinée à séduire un spectateur et un public facile. Il se refusera, sous le prétexte du libre arbitre, à combler les attentes d’un éventuel spectateur qui chercherait à être valorisé avec la mise à sa disposition « d’un tableau », fait pour lui, par « un artiste ». Hegel l’avait annoncé, depuis Marcel Duchamp confirme : l’œuvre d’art n’est pas qu’esthétisme au service d’une sensibilité. (Il serait pertinent de développer l’attente et l’espoir mis dans la création esthétique. Comment un outil, un moyen, serait capable de révéler à la pensée ce que les mots sont impuissants à énoncer. Il ne semblerait pas que ces préoccupations soient actuellement au goût du jour.) Mais notre artiste sait que les sensibilités changent, se modifient au cours du temps sous l’influence pernicieuse d’un mode de pensée social, économique, politique. L’œuvre, image-iconique, refusée, dépouillée de tout esthétisme anesthésiant, laissera la place à un résultat plus subversif destiné à amener le créateur et donc le spectateur vers d’autres réflexions. Moins complaisante certes, la nouvelle œuvre, parce qu’elle sera vue (accessible immédiatement par ce que les yeux mettent à disposition) n’en reste-t-elle pas pour autant image ? Seul le discours qui l’accompagnera pourra la justifier comme pouvant être autre chose.
Même si les icônes ont changé de visage, elles ne seront pas démystifiées pour autant. Ce sont les efforts pour les appréhender qui ne seront pas les mêmes. Ce sont les raccourcis faciles qui rendront les nouvelles images péjoratives, chargées d’une banalité frustrante. Il y aura la nostalgie d’un temps où il était permis d’espérer, à partir de l’image, avoir une influence sur une connaissance d’un lien collectif. En perdant de leurs pouvoirs de conquête les nouvelles images ne seront qu’illustrations éphémères et superficielles d’un temps donné. Il est fait allusion ici, en partie, aux nouvelles images, véhiculées à profusion par notre société marchande, qui sont en représentation de notre monde et ses images deviennent refuge d’un monde réel impossible à appréhender dans sa vérité. L’image œuvre d’art échappe-t-elle à ces notions de déviances complices d’un système ?
La création de notre artiste se voudra didactique, pour dire ce qu’elle se refuse d’être, pour proposer une lecture différente, marginale, de ce que peut être l’art. Et comme notre artiste pense que le produit de l’art n’est autre que le reflet de la société dans laquelle il vit, (société dominée par des enjeux de pouvoirs économiques qui lui échappent et qu’il conteste parce que idéalement jugés trop inhumains) il s’inscrira dans un réflexe de résistance. Les nouvelles images ainsi créées, en se rendant involontairement complices de l’actualité (par le seul fait de ne pas ignorer les nouvelles donnes) fixeront leurs propres limites, leurs inutiles présences. Elles auront le mérite de poser le problème autrement : L’art, non pas en opposition à un contexte présent mais l’art comme réponse à l’art lui-même. L’art, comme sensible, libéré de toute expérience du sensible, pour redécouvrir de nouvelles règles du sensible. Et pour dire les choses autrement : l’image, en art, ne serait plus pour représenter l’absence d’une réalité physique, (ce qu’elle n’est plus depuis le début du XX° siècle) mais une certaine idée de l’être, en se gardant du danger de transformer l’image d’art en nouvelle icône qui porterait, ainsi, toujours en elle, un sentiment du religieux, forcément dangereux et réducteur.
Ayant ainsi expérimenté ses pulsions visionnaires mises en forme sur une toile clouée sur un châssis (modèle symbolique accepté par tous, de ce qu’est l’œuvre d’art), ayant vécu les méfiances quant aux sincérités des motivations inspirant l’acte, ayant conclu aux imperfections inévitables de ses résultats, ayant compensé les manques par la parole et le discours, l’écriture devenait outil de satisfaction complémentaire pour dire sa place dans le monde et la société.
Ecriture pour dire autrement. Aussi, écriture au service d’une fiction valorisante impossible à atteindre par l’image.
A l’issue d’un enterrement d’une vieille tante, à la sortie du cimetière, la cérémonie que nous venions de vivre a imposé le besoin d’écrire les phrases suivantes : « Il a vu d’abord le ciel. Le ciel bleu. Et dans ce ciel, une mouette et son cri en réponse effrontée à une litanie elle aussi incompréhensible. Plus tard, dehors, toujours derrière la famille, toujours immobile, il y eut la mer. La mer bleue. Pas le même. Aussi profond pourtant. »
Chez moi, j’ai recopié cette phrase qui s’est vite complétée de la description d’un lieu avec ses paysages et sa nature. Et ce décor a immédiatement imposé la venue d’un personnage, un personnage qui a réclamé une vie propre avec son histoire, ses rencontres, ses situations au quotidien. Le roman a avancé ainsi, page après page, sans idée préconçue, sans plan au préalable, sans même avoir une quelconque prévision de son issue.
Ce qu’il convenait de faire, c’était en priorité de soigner la forme. Obsession d’un mot juste, de la phrase limpide, écrire c’est d’abord bien écrire. Cette forme sera ensuite mise au service d’un imaginaire qui par définition ne peut être complaisant. L’écriture autorise aussi cela. Un peu à la manière d’un dessin animé (Tex Avery) où toutes les situations des plus loufoques au plus saugrenues sont possibles. Raconter une histoire, d’accord, mais que cette histoire soit, décalée, excessive et émouvante.
La Bastide sur Mer, ne raconte pas autre chose. Histoire imprévisible sur les thèmes du sacrifice, du bouc émissaire, de la culpabilité individuelle et collective. Pourtant, à aucun moment, il n’y a eu intention délibérée d’illustrer une théorie philosophique. Il n’y a pas eu connaissance au préalable d’un concept exploité et développé par un penseur particulier qui pourrait être le déclic amenant une vision à concrétiser par l’écriture. Tout le mystère de l’inspiration est là. Une question à se poser pourrait être celle de savoir quel est le poids des conflits non digérés que l’on porte en soi qui engagerait telle ou telle pensée, qui provoquerait telle ou telle action ? Conflits non digérés et pourtant vivables. Ils n’empoisonnent pas la vie. Ils font partie de nous. Il n’y aura pas de crise spectaculaire dénonçant une paranoïa latente. Il y aura la vie de tous les jours « normale », presque tranquille, visible pour les autres, pas plus ni moins particulière que celle de l’autre. On ne s’attardera pas plus que ça aux comportements de l’autre où à l’origine d’une pensée étalée, puisqu’elle en vaut une autre, puisque soi-même, on n’est pas sûr d’être transparent.
L’œuvre romanesque, et par delà l’écriture en général, sera pour exister autrement, pour se définir de nouvelles relations mettant un immense espoir que ce qui est vécu par l’auteur sera communicable à l’autre.
Ecriture donc, après avoir vécu les limites de l’expression par l’image, pour dire tout l’espoir formé par l’accès à la connaissance seule capable d’enrichir la nature humaine, seule capable d’entretenir les relations humanistes universelles.
Pour beaucoup de nos jours, l’idée même de l’Art peut paraître obsolète. On parle aujourd’hui davantage de produits culturels que d’art. L’art contemporain est vu comme une activité élitiste et est entré par le jeu des intérêts financiers – des musées, des galeries, des médias, des critiques – dans une phase de stagnation. Fertile en avant-garde révolutionnaires dans la première partie du XX° siècle, l’art était porteur de ruptures et de subversion. L’art a perdu aujourd’hui de sa liberté et reste aliéné au mode de pensée libéral. Comment ne pas évoquer l’idée, difficile à accepter, que les créations actuelles ne soient pas des résultats de manipulations d’un air du temps ?
Adorno affirme : « Créer ce n’est pas être libre, c’est au mieux prendre conscience de nos propres conditionnements, essayer d’en sortir et de lutter contre le système qui profite à nos vies ». L’artiste reste dépendant de la classe possédante et a perdu la contestation favorisant l’utopie et les promesses de bonheur.
Dans ce combat, de toute façon illusoire parce que non collectif, l’écrit a plus de chance que l’image de réveiller les consciences.
Telle n’est pas la prétention du roman « La Bastide sur Mer ».
Le pouvoir de la contestation réside dans sa faculté d’ouvrir des chemins imprévus que l’on n’aurait jamais osé emprunter sans accompagnement. La littérature reste l’outil privilégié pour ouvrir ces chemins. Pourtant le récit proposé n’est autre qu’une imagination au service d’un moment ludique personnel avec peut-être au bout l’étonnement qui fait dire : « C’est toi qui a écrit cela ? » J’espère simplement que cette curiosité, qui reste la mienne dix ans après, puisse permettre à un éventuel lecteur, de retrouver en lui un potentiel de disponibilité qui lui fasse accepter ce qui est écrit, qui lui ouvre des espaces de réflexions nouveaux.
Michel Arnaudiès -  Céret, Octobre 2008.

EXTRAITS DU PREMIER CHAPITRE : 

À la sortie de l'église, la famille arrêtée sous le portail attend que le curé ait fini sa bénédiction. Immobile, quelques rangs derrière, il a vu d'abord le ciel. Le ciel bleu. Et dans ce ciel, une mouette et son cri effronté en réponse aux litanies incompréhensibles. Plus tard, dehors, toujours derrière la famille, toujours immobile, il y eut la mer. La mer bleue, pas le même. Aussi profond pourtant. La froideur abyssale pressentie n'a rien à envier à l'humidité des murs à l'intérieur. Ils devaient être autrefois peints en blanc. Ils servent de décor - rideau de scène délavé - à des personnages en plâtre polychromes, étrangement souriants dans leur complaisance inhumaine. Tous des saints. Alignés consciencieusement, aucun ne tourne le dos. Tous réclament l'attention, vous regardent de haut, suspendus dans leur intention faussement modeste. Dans le désordre: Antoine et Marie, Sébastien et Gabriel, Michel, pour ne citer que les plus démonstratifs. Pierre, peut-être à cause de ses clés.

D'autres, devenus anonymes. Les moisissures du temps ont rendu, à leurs pieds, l'inscription illisible. Au milieu de l'allée, dans un cercueil en bois verni, un corps repose. Celui d'un inconnu.

Par hasard il était entré dans cette église, sur cette colline au bord de la mer. Une fois à l'intérieur, une compassion naturelle lui avait permis d'assister à la cérémonie religieuse. Devant un autel en marbre blanc, un vieux curé, fier dans sa lourde bure de toile écrue, invoque un dieu incantatoirement avec un langage et un vocabulaire connus certainement de quelques-uns, de quelques-unes surtout, qui, dès les premiers rangs, lui répondent dans une complicité bienheureuse. Comme si elles seules détenaient les clés du protocole cérémonial, elles en tirent l'orgueil qui fait se relever leurs mentons et redresser leurs dos. C'est à qui chantera le plus fort, à qui répondra le plus vite, avant même que le chef suprême n'ait fini sa phrase. Elles aussi règlent le tempo de la représentation, devançant le signe: debout, assis, debout, assis. Et tous obéissent, et lui aussi, en dehors de toute émotion que provoquerait le mystère libérateur. Dans un moment d'accalmie où le monologue monocorde favorisait la distraction, il s'est revu dans une autre église, également sur une colline, aux alentours de Cuzco. Les chants généreux qui là-bas accompagnaient la cérémonie étaient une invitation. Même lui, le « gringo ", avait été pris par le bras et prié de se joindre à la famille pour partager leurs moments de ferveur, dans une exaltation chaleureuse qu'entretenait la musique nostalgique des flûtes et des tambourins. L'attendrissement de ce moment lointain qu'il croyait avoir oublié fit couler une larme sur sa joue, sans qu'il y ait de relation directe avec le moment présent.

Un bruit de chaises déplacées le sortit de sa rêverie. Tous étaient debout. Il se leva à son tour pour le passage du cercueil, suivi de ceux qui devaient être les proches du défunt. D'abord deux, puis encore deux très vieilles femmes, petites, courbées, recourbées, toutes vêtues de noir, le visage recouvert d'un crêpe de même couleur. Elles se soutenaient l'une l'autre. Elles pleuraient. Il y a communication dans le rire, dans le bâillement, dans la compassion. Il fut ému par ces sanglots. Il pleura, discrètement, à son tour. Pas sur le mort - ou la morte - qu'il ne connaissait pas, mais sur la détresse sincère qui était affichée, sans retenue, devant lui. Il était ému aussi, par l'âge de ces vieilles personnes, comme si leur vieillissement le renvoyait au sien, personnel, qu'il avait du mal depuis quelque temps à accepter ou à comprendre. À quarante ans, son passé avec ses souvenirs occupait si peu de place, il avait l'impression d'avoir si peu vécu, que dans son corps et, dans son esprit, il se sentait toujours jeune. Si ce n'était cette image, presque incompréhensible, d'un homme qui n'était plus un jeune homme que lui renvoyait tous les matins, en se rasant, le miroir, il n'aurait pas cru en avoir fini avec la jeunesse. Et puis il y avait son père, sa mère, très âgés, toujours vivants pensait-il, qu'il avait laissé derrière lui. Il les avait quittés sans remords, les avait fuis presque, mais ils restaient présents dans ses rêves. Ils étaient aussi présents, ici, dans ces couples de vieilles femmes larmoyantes qui passaient devant lui.

Parmi le défilé de ce qui devait être encore les membres de la famille, une personne sortit des rangs s'approcha de lui au bord de l'allée, lui prit les mains chaleureusement et avec insistance. Il eut un petit réflexe de recul. C'était une jeune femme petite, qu'il devina blonde sous un châle noir, le visage rond, gracieux, d'une beauté simple et attrayante. Elle était vêtue de noir. Il ne la connaissait pas. D'ailleurs, il était censé ne connaître personne, ici.

Il était arrivé au village, le matin, en auto-stop. Un automobiliste l'avait pris, une cinquantaine de kilomètres auparavant. Il attendait depuis plusieurs heures sans que personne ne consente à s'arrêter. Il en avait l'habitude et savait combien son allure, son sac à dos, étaient dissuasifs. Par fatigue, il avait accepté de se rendre où celui-là allait. Il ne connaissait rien de cette région. Il était curieux de mieux la découvrir. La mer, les rochers, des criques abritées avec leurs galets ronds, le soleil, des collines à peine boisées, à peine habitées. Pour arriver jusqu'ici, ils avaient dû quitter la grande route départementale qui conduisait jusqu'à la frontière et prendre un chemin de terre parmi les cistes et les bruyères. Un chemin long, plusieurs kilomètres, rendu encore plus long par la vitesse réduite à laquelle il fallait rouler. Cette route sinueuse et déserte - ils n'avaient rencontré aucun autre véhicule - annonçait un paysage exigeant. Après avoir monté et descendu plusieurs collines, où la végétation à chaque fois y perd de sa force pour ne devenir que steppes et maquis malingres et brûlés, il a découvert le village par le bas. Sans que rien ne le laisse présager, au détour du chemin, des vieilles demeures en pierres aux murs non crépis, aux toits en tuiles rouges, s'étageaient au soleil face à la mer, oubliée jusque-là. L'automobiliste l'avait laissé sur la place. Ils ne pouvaient de toute façon aller, en voiture, plus loin. Lui-même, ne pouvait espérer aller plus en avant. La route ne conduisait nulle part. Par-delà d'autres collines, était la frontière et un pays différent auquel sans passeport il n'avait pas officiellement accès.



SUR L'AUTEUR :

Michel Arnaudiès occupe la scène culturelle et artistique de notre département depuis de nombreuses années. Cet artiste complet  (voir ci-dessous) a su si bien conjuguer depuis 1970 sa passion pour la peinture avec de très nombreuses expositions, des livres d’artistes qu’il a illustré et sa passion pour l’écriture. Cela a donné de très nombreuses expositions qui jalonnent la vie picturale catalane et plusieurs ouvrages de poésie et un roman : «Le Tisonnier » aux éditions du Trabucaire.

LE PARCOURS DU PEINTRE :
1970 – Exposition à Elne.
1975 - Première exposition au Musée d’Art Moderne de Céret.
… si Arnaudiès avait été élève aux Beaux Arts, il aurait lu sur ces devoirs « Vous avez grands besoins d’apprendre la perspective », mots écrits par un Bougereau cuvée 1977. Ajoutons que ce professeur et ceux qui l’écoutent ne verraient pas, si d’aventure ils passaient à côté de ces portes dehors ou dans un Musée ce que Matisse appelle « une chose nouvelle ».
Georges BADIN

1977 – Participation à la Mostra du Larzac.
1977 – Acquisition d’œuvres par la Galerie Milhun à Karlsrure.
1979 – Exposition Galerie CHAPPE LAUTIER - TOULOUSE.
1980 – Publication originale limitée de « Espigolada ca i enlla » sur des poèmes d’Edmond BRAZES.
1980 – Exposition « L’Atelier 6 » - CERET.
1981 – Exposition Crédit Agricole – PERPIGNAN.

1985 – Exposition Musée d’Art Moderne de Céret ;
… A la suite de Manolo, les cubistes – et d’abord Picasso – venaient, vivaient, travaillaient à Céret – peut-être ont-ils pu rencontrer alors Rosina dans sa ferme ou au marché ? Là où les cubistes auraient collé dans leur tableau un fragment du journal LE JOURNAL, un coin de paquet de tabac, présences fortes, quotidiennes, des choses de leur vie, Michel Arnaudiès, le petit-fils de Rosina, pose une vieille dentelle jaunie…
Georges Emmanuel CLANCIER

1985 – Publication « Henriette et les autres » - Poésie libre aux Editions de L’aphélie.
1986 – Participation « Les artistes roussillonnais à la Mostra des Baléares ».
1987 – Publication « Premier frémissement du jour » sur un texte original de Charles GREIVELDINGER.
1993 – Publication « Incantations » aux éditions du Trabucayres. Illustrations de Claude Massé.

1994 – Exposition Musée d’Art Moderne de Céret.
… quand vous prenez de haut ou de bas ces arabesques cette grande musique de lignes et d’ensembles ces inadvertances d’un pinceau au couteau et nous que sommes-nous que ces allusions de hasard même la toile parfois s’y blesse elle montre ses paupières sous trois larmes blanches une pluie et ses grottes de sang blanc … cette peinture est à l’image ce que poésie est au silence…
André STIL

2000 – Exposition Musée du Liège – MAUREILLAS.

2001 – Exposition Château Royal de COLLIOURE.
… Il se situe en dehors du circuit artistique traditionnel. Sans pour autant renier ses parcours initiatiques. Et Michel Arnaudiès en a les moyens, de naviguer ailleurs : comme il l’entend, quand il veut et où il veut…
Luc MALEPEYRE.

2003 – Publication « Palettes – Roman » Préface d’Henri SOLANS.
En exhibant la palette Michel Arnaudiès exhibe les rapports de domination, la frustration, la souffrance, il exhibe surtout la résignation et/ou l’ignorance que le texte place dans le cœur des insignifiants…
Henri SOLANS.

2003 – Exposition Capalleta – CERET
2004 – Exposition – THUIR.
2005 – Exposition – Mairie SAINT ANDRE.
2005 – Publication « Le Tisonnier » roman – Editions Trabucayre
Signatures au Salon du Livre à Paris.
2009 – Illustrations poèsie Henri Solans « L’avenir naîtra roux » Editions trabucaires.

LA BASTIDE SUR MER - PREMIERES SIGNATURES ET MANIFESTATIONS :

Vendredi 23 avril : Médiathèque de Céret, 18 heuresSamedi 24 avril : Allées du livre (Quai Vauban) Sant Jordi 2010, PerpignanDate à confirmer (Mai 2010) : Lancement officiel Hall du Conseil général Vendredi 28 mai : Médiathèque de Canet (village) 18 h 30Samedi 2९
mai : Médiathèque de Perpignan, Petit déjeuner littéraire, à partir de 10 heures.Jeudi 3 juin : Bibliothèque d’Arles-sur-tech, 18 heuresVendredi 4 juin : Médiathèque de Thuir, 18 heureस